A cause de la peur qu'elle engendre, peu d'intellectuels n'osent démontrer l'incohérence de cette arme juridique. Pourtant la contestation de la loi semble nécessaire au nom de la raison et du progrès des idées.
La haine est-elle un crime ?
Tout d'abord, pour justifier la répression contre l'incitation à la haine, il faudrait prouver que la haine soit un crime. Abusant du parallèle avec l'incitation au meurtre, elle en diffère fondamentalement dans le sens où la haine est un sentiment diffus et difficilement mesurable, à la différence du meurtre qui est ostensiblement constatable. Le meurtre nuit à une personne précise, tandis qu'il serait malaisé de prouver que la haine porte préjudice à la personne qui la ressent. Un porteur de haine serait éventuellement plus malheureux qu'un porteur d'amour, mais dans ce cas il faudrait réprimer ceux qui incitent à d'autres sentiments négatifs, par exemple créer un délit d'incitation à la tristesse qui viserait les tragédiens ou les éternels pessimistes.
En réalité, derrière la condamnation morale de la haine figure la hantise qu'elle ne débouche sur de la violence physique ou verbale chez son porteur. Cette condamnation des mauvaises pensées en raison des actes qu'elles pourraient engendrer rejoint la tradition catholique qui évoque dans le même mouvement les « péchés en pensées, en paroles, en actes ou en omission ». Nous reviendrons sur l'inspiration religieuse de cette loi qui anticipe les conséquences d'un sentiment jugé immoral, procédant du péché capital de violence que définit Saint Thomas d'Aquin.
Pourtant, il n'est pas prouvé qu'un porteur de haine soit mécaniquement un terroriste. L'extrême majorité des personnes vivant avec un sentiment de haine, par exemple sociale, ne vont pas pour autant assassiner des bons bourgeois dans les rues de Neuilly. L'être humain, pourvu naturellement qu'il soit assez intelligent et éduqué, arrive toujours à faire la part des choses entre une haine dirigée contre un groupe de personnes « en général » et son comportement réel face à une personne précise. Car le cerveau humain possède des garde-fous psychologiques prévenant la transformation d'une haine intériorisée en un acte objectivement violent : sentiment de compassion, culpabilité, empathie, pacifisme préférentiel s'accordent pour limiter les bouffées de violence que provoquerait une haine de portée générale.
D'ailleurs ce fameux passage à l'acte s'observe dans des cas rarissimes, souvent lié à une pathologie mentale ou une souffrance psychique. Par exemple la rareté des crimes homophobes rapportés à la « généralisation de l'homophobie » qu'évoquent certains médias, prouve que le lien mécanique entre pensée et crime homophobe n'est nullement avéré, et qu'il constitue même l'exception confirmant l'innocuité du sentiment homophobe, aussi déplaisant soit-il. Rappelons que la loi contre l'homophobie, votée sous le premier ministre Raffarin, a été promulguée suite à l'émotion médiatique provoquée par le drame de Sébastien Nouchet, un homosexuel brûlé vif par « une horde d'homophobes » selon les médias toujours bien renseignés. Or il s'est avéré que cet individu avait menti et maquillé une tentative de suicide en tentative d'homicide, d'après l'enquête de police. Le subterfuge s'est dissipé, mais la loi est restée.
Nous pourrions multiplier les exemples de fausses attaques racistes mais vraies escroqueries médiatiques, faux meurtres sexistes cachant de vrais drames familiaux, fausses motivations antisémites destinées à vendre du papier alors qu'il est plus simple d'invoquer la banale dimension crapuleuse. Par exemple, dans l'affaire de ce sinistre Fofana qui martyrisa un jeune juif pour lui extorquer de l'argent, les journaux entreprirent une véritable campagne pour persuader l'opinion que « l'antisémitisme était de retour » alors que la simple cupidité associée à la bêtise et la cruauté suffit à expliquer un crime aussi odieux. La surexposition médiatique de ce genre d'affaire donne l'impression qu'il est plus probable de se faire agresser en raison de son origine, religion ou orientation sexuelle, alors que cela est statistiquement complètement faux, le risque de mourir à cause de son portefeuille étant infiniment plus élevé. Certes les clichés culturels ou sociétaux peuvent orienter l'acte criminel, mais ne peuvent à eux-seuls expliquer son déclenchement. Si Fofana n'avait pas nourri des clichés sur les juifs, il aurait probablement exercé son entreprise destructrice sur d'autres populations, mais cela n'aurait intéressé personne.
La disproportion évidente entre une haine endémique et la rareté d'un crime « induit » démontre clairement la faiblesse du lien de cause à effet. Car si le crime était la conséquence automatique de la haine, il faudrait interdire les groupes de rock satanistes en raison de la haine religieuse susceptible de tuer les fidèles catholiques. Ou encore interdire les films d'horreur au prétexte qu'ils pourraient réveiller des penchants criminels chez les spectateurs. Ou même censurer les tragédies mettant en scène un suicide, car cela pourrait provoquer le suicide parmi les âmes faibles.
La faible inclinaison de la haine à provoquer des actes criminels suffit à délégitimer son éradication juridique. Plus généralement, le sentiment de haine étant assez courant dans l'espèce humaine, il est grotesque de vouloir l'éliminer définitivement, d'autant que son existence semble attester d'un semblant d'utilité du point de vue de l'Evolution. La haine, un sentiment parfois utile ?
En effet, quand le sentiment de haine est canalisé par des principes constructifs, il peut au contraire déboucher sur le désir de revanche et d'édification personnel. A l'origine des réussites fulgurantes réside souvent une blessure d'orgueil qui, prit isolément, inspire la réprobation, mais demeure un instrument puissant pour redresser la tête et combattre l'adversité. Or la haine est précisément un sentiment naturel dont l'objectif réside dans l'augmentation de l'agressivité en vue d'une confrontation future. Quand le champ de cette confrontation demeure légal, par exemple le terrain de la réussite économique ou sociale, la haine constitue un formidable moteur de compétition et donc d'émulation. Dans un monde aseptisé où le statut d'autrui ne créé qu'indifférence, où les réussites d'une communauté particulière ne provoquent aucune frustration, la haine ne pourrait provoquer aucun désir de revanche, et donc ne générer aucune ambition.
Au même titre que le désir sexuel par exemple, la haine semble avoir été retenue par l'évolution des espèces comme un sentiment naturel de conservation. Au plus profond de notre cerveau primitif se déroulent des sécrétions hormonales, liées au stress et à l'agressivité, qui expliquent l'émergence d'une colère intériorisée s'identifiant à la haine. Ces processus parfaitement inconscients ne résultent nullement d'une initiative de la raison, d'où peut-être l'importance d'une morale destinée à contenir la pression de ces pulsions naturelles. Mais dans tous les cas, la haine ne procède nullement d'un choix volontaire, de sorte que sa pénalisation constitue une odieuse tentative de l'Etat pour s'approprier le psychisme intime des citoyens, pire encore qu'une inquisition moderne qui chercherait à débusquer les hérétiques politiques.
Une haine sociale légale et assumée
Cette chasse aux c?urs « habités par le démon » se manifeste dans la différence de traitement entre haine raciale et haine sociale. Issues d'une gauche véhémente et radicale, les associations antiracistes distinguent clairement la haine sociale, motivée selon eux par le désir de justice et d'égalité, de la haine raciale qui reproduirait un schéma de domination horriblement occidental. La haine sociale apparaît en toute légalité dans les discours de l'extrême gauche contre les « patrons voyous », opérant un renversement de culpabilité typique avant le passage aux actions illégales comme le sabotage industriel, l'agression des non-grévistes, la séquestration des directeurs d'usine. Dans le domaine culturel largement dominé par les nihilistes de mai 68, la haine sociale crée une fascination morbide. Comme son titre l'indique, le film « La Haine » fait la promotion de la haine de quelques psychopathes immigrés contre les honnêtes gens, sans aucune considération morale pour les victimes silencieuses de ces bandes ultra-violentes. De toute évidence la haine sociale est permise, la haine raciale ostracisée.
Pourtant, historiquement parlant, la violence sociale produisit beaucoup plus de victimes que la violence raciale, et pas seulement au cours du XXième siècle endeuillé par les 80 millions de morts du communisme. D'autant que la violence raciale consiste souvent en une version incarnée de la violence sociale qui en constitue son moteur : au Rwanda par exemple, les Hutus se révoltèrent essentiellement contre la position socialement dominante des Tutsis. Concernant l'horrible massacre des juifs durant la Seconde guerre mondiale, les historiens auraient raison de chercher dans la frustration de l'ouvrier allemand, dépossédé de son emploi à cause d'une crise financière internationale, une raison essentielle à son antisémitisme. Par conséquent, s'il fallait réellement prémunir nos sociétés des violences produites au cours de l'Histoire, il serait plus judicieux de pénaliser en priorité la haine sociale.
La minimisation de la haine sociale au profit de la pénalisation de la haine raciale trahit, dans l'esprit de nos législateurs, l'idée que les conflits raciaux constituent pour l'avenir un danger bien plus important que les révolutions sanguinaires. Or, si cette appréhension existe, c'est bien la preuve qu'ils connaissent l'état de tension ethnique de notre pays, en particulier à cause d'un demi-siècle d'immigration incontrôlée.
La censure des faits objectifs
Aussi la pénalisation de l'incitation à la haine raciale recouvre un objectif bien plus pervers que la simple prévention de la violence : faire taire les vérités susceptibles de réveiller un réflexe de défense du peuple français, pourtant bien endormi par des décennies de matérialisme et de relativisme agnostique.
Quand un homme politique mentionne des statistiques objectives, par exemple la surreprésentation des Roms dans les cambriolages ou les vols de biens communaux, sa parole est suspecte d'incitation à la haine raciale et de ce fait, potentiellement sujette à la répression pénale. A cause cette loi instaurant un climat de terreur chez les journalistes, nombre de réalités dérangeantes sont camouflées dans notre pays, parce que susceptibles d'introduire un doute sur les bienfaits de l'immigration. Ainsi, peu de journalistes osent révéler la cause principale de la montée de l'insécurité en France, et préfèrent ignorer les travaux du sociologue Sébastian Roucher qui rapporte que 70% des actes de délinquance résultent de personnes issues de l'immigration. De même, il est risqué de révéler l'explosion du nombre d'agressions sexuelles en Suède à cause de criminels immigrés entretenant une vision particulièrement machiste de la femme. Dans notre pays, la désobéissance civique et les fraudes innombrables augmentent continuellement, mais il est téméraire d'avancer que cela résulte aussi d'un moindre sentiment d'appartenance à la nation française. Sur le sujet encore plus explosif des différences génétiques, personne ne briserait le tabou de l'égalité humaine en révélant les différences de QI constatées entre les populations mondiales, même à niveau social équivalent. Bien sûr, un sujet aussi complexe peut déboucher sur des interprétations différentes, mais la question n'est pas là : avant même que le débat n'ait lieu, que les arguments pour ou contre ne soient échangés, l'ombre de la loi punissant sévèrement l'incitation à la haine raciale obscurcit toute manifestation de pensée iconoclaste, réduisant ainsi la possibilité de penser autrement.
Comme anticipant l'esprit de cette loi, les journalistes évitent d'aborder des sujets susceptibles de dévier les Français de la pensée dominante. Certes, un journaliste qui rapporte un fait objectif contre l'immigration risque moins la prison qu'un politique éméché qui véhiculerait une idée complètement erronée allant dans le même sens. Cela est pourtant paradoxal au regard de cette loi, car les propos véridiques de ce journaliste ont plus de faculté à créer un climat de peur et donc de haine qu'un individu dont les propos farfelus ne provoquerait que rires et dérisions. Encore une contradiction logique de cette loi dont l'objectif principal réside davantage dans la répression des idées que dans le maintien de la paix civile.
Pour l'abolition d'une loi liberticide
En résumé, la loi pénalisant l'incitation à la haine participe à la restriction des libertés et étouffe parfois l'éclatement d'une vérité dérangeante pour le régime des Droits de l'homme. Devenue la nouvelle religion des régimes occidentaux, les Droits de l'homme bénéficient de l'action zélée d'associations qui mènent une chasse inquisitoriale contre les nouveaux agnostiques qui ne croient pas en l'égalitarisme officiel. Manipulant une opinion qui se souvient vaguement du confiteor de son enfance, elles réussirent à convaincre les législateurs de l'opportunité d'une loi pénalisant un sentiment humain et naturel qui ne regarde que la conscience de chacun.
Bien sûr, la haine demeure dangereuse car susceptible de créer des situations de confrontation, de sorte que les responsables politiques ou religieux sont dans leur rôle en mettant en garde contre son expression publique. Cependant, tant que la haine demeure sous le contrôle d'une raison éclairée par des principes moraux solides, elle n'engendre pas nécessairement la violence que redoutent les législateurs. Dans un état de droit, seules les actions créant un préjudice réel doivent tomber sous la loi, et non les sentiments jugés immoraux. D'ailleurs, les lois actuelles contre la diffamation ou l'insulte publique suffisent largement à réprimer les propos injurieux ou dégradants, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de se contorsionner l'esprit à invoquer une haine dont les racines plongent dans les tréfonds ténébreux de notre humanité.
En fait la faute originelle de cette loi consiste en l'anticipation abusive d'un phénomène psychique et de ses conséquences possibles, mais pas certaines. Elle procède donc d'une vision liberticide car remettant en cause notre libre arbitre et notre capacité à distinguer la pensée de l'action, le désir de la volonté. Elle ambitionne de contrôler les esprits, de sorte qu'elle est inquisitoriale. Telle l'Inquisition qui trahit l'esprit de charité des Evangiles, elle blesse paradoxalement une vision positive des Droits de l'homme dont le c?ur du message devrait coïncider avec la liberté de conscience et donc d'expression. Aussi est-il urgent d'abolir une loi aussi néfaste pour le progrès des idées.
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