Ainsi la règne solide de lâAKP en Turquie, les incontournables Frères musulmans en Egypte, lâislamisation de la constitution tunisienne, la domination des chiites conservateurs en Irak, le sinistre retour de la lapidation en Afghanistan, tous ces évènements confirment la séduction opérée par lâislam politique auprès des masses musulmanes quâil serait abusif de qualifier dâarriérés. De toute évidence, lâarabe moyen nâadhère pas à la prétendue universalité des Droits de lâHomme, et nos éditorialistes se trompent en prétendant que le moindre niveau de richesses ou une scolarisation incomplète suffisent à expliquer ce décalage entre les aspirations populaires arabes et européennes. Le PIB par habitant libyen dépasse celui des bulgares, le niveau dâinstruction des iraniens, y compris des femmes, atteint des niveaux élevés, pourtant la loi dâAllah demeure toujours aussi attractive malgré un développement économique et social certes relatif mais bien réel. Sans insister sur lâenquête du Pew Global Attitudes Project (2003) qui nous apprend que les deux tiers des Pakistanais, la moitié des Jordaniens et des Marocains affirment avoir une bonne opinion de Ben Laden, force est de constater quâAl-Quaïda continuent de bénéficier dâune complaisance incroyable en dépit de ses nombreux crimes, jusquâà capter la moitié de lâaudience des rebelles syriens en lutte contre le régime dâAssad. Ainsi la pente démocratique entraîne irrésistiblement vers lâislamisme, les facteurs économiques et éducatifs modulant certes la brutalité des forces islamistes, mais sans changer la nature fondamentale de cette attirance pour la loi dâAllah. Bien davantage, cette préférence culturelle semble attisée par une mondialisation mettant en confrontation deux universalismes contradictoires.
Deux universalismes en confrontation
Dans son ouvrage « The Clash of Civilizations » mis à lâindex par les bien-pensants, Samuel Huntington affirme que les masses populaires sâidentifient moins aux classes sociales depuis la chute du communisme, mais articulent désormais leur identité autour des bases culturelles héritées des grandes civilisations. Le discrédit des critères sociaux au profit des marqueurs culturels explique la perméabilité de tous les milieux, y compris « bourgeois », aux thèses islamistes, comme lâillustre le niveau élevé de formation de nombreux terroristes. Cette cristallisation identitaire procède paradoxalement dâune mondialisation perçue de manière agressive, la permissivité morale de lâOccident se trouvant désormais accessible aux masses musulmanes à travers la profusion des médias, ou via une immigration faisant cohabiter des mentalités trop différentes. Motivée par le rejet de lâOccident, lâislamisation des sociétés paraît comme le reflet inverse de la libéralisation des mÅurs occidentales, les femmes arabes se voilent tandis que les européennes se dévoilent. La contamination fantasmée des esprits semble une menace dâautant plus sérieuse que lâOccident revendique, à tort dâailleurs, lâuniversalité de ses « Droits de lâHomme », lesquels rentrent logiquement en confrontation avec lâIslam convoitant la domination mondiale.
Lâislam, une religion guerrière ?
Car lâerreur de lâOccident sécularisé réside dans son ignorance de la théologie musulmane. Niant les origines violentes de lâIslam, certains islamologues continuent dâaffirmer sans rire que lâislam serait une « religion de paix et dâamour », alors que les débuts guerriers de Mahomet depuis lâHégire prouvent éminemment le contraire. Lâorigine de cette tromperie réside dans le terme « islam » qui ne provient nullement de « salam » signifiant « paix » en arabe, mais de la racine « slm » signifiant « soumission » à la loi dâAllah. Car lâislam est fondamentalement une religion fondée sur une soumission jalouse, un rapport de force, une imposition collective qui ne laisse aucune place au libre arbitre et au sens critique. Un musulman reniant sa religion doit dâailleurs être condamné à mort selon la charia.
Mahomet, chef de guerre et chef religieux
Depuis lâHégire ou fuite à Médine en 622, Mahomet confirma cette tendance totalitaire en confondant politique et religion, sphère publique et intérêt privé. Homme dâEtat et chef de guerre, il conduisit des razzias contre les caravanes mecquoises partant vers la Syrie, ainsi durant la bataille du puit de Badr au printemps 624. La sourate 8 du Coran, appelée « les butins », garde le souvenir du partage du butin entre les guerriers et Mahomet qui sâoctroyait le cinquième du profit. Plus tard, en mars 625, il faillit connaître une déroute fatale à la bataille dâOhod perdue contre les Mecquois.
Etrange prélude à lâaffaire des caricatures parues dans un journal danois, Mahomet ordonna lâexécution dâopposants politiques et dâartistes, ainsi le poète critique Kab ben Asraf (624), Al Nadr Ibn Harith qui sâétait moqué de lui (624), Ocba qui supplia la clémence pour sa petite fille devenue orpheline, la poétesse Asma bint Marwan qui avait accusé le prophète dâavoir tué un vieil homme, ou encore lâapostat Ibn Abou Sahr (630).
Durant la bataille du fossé en 627, Mahomet accusa la tribu juive des Qurayza dâavoir pactisé avec lâennemi mecquois. En représailles, il fit creuser une fosse sur la place du marché, sâassit au bord et ordonna à deux complices dâégorger successivement tous les Juifs et de les jeter dans la fosse. Selon le chroniqueur musulman Tabari, 800 prisonniers juifs, y compris de jeunes garçons, furent ainsi exterminés. Les femmes et les enfants furent déportés en esclavage.
Dans lâunivers mental de lâislam, le monde est divisé en deux parties : la terre de lâislam (« dar al islam ») et la terre de la guerre (« dar al harb ») où habitent les infidèles que les musulmans sont appelés à combattre jusquâà lâanéantissement. De nombreux versets du Coran incitent à combattre les infidèles, ainsi :
(Coran s.2, v.187) : « Tuez-les partout où vous les trouverez⦠Sâils vous combattent, tuez-les, telle est la récompense des incroyants ».
(Coran s.9, v.123) : « Combattez les incroyants qui se trouvent autour de vous ».
(Coran s.67, 4) : « Quand vous rencontrez les infidèles, tuez-les jusquâà faire un grand carnage et serrez les entraves des captifs que vous aurez faits ».
Certes, des versets plus pacifiques existent également dans le Coran, mais provenant de la phase mecquoise, câest-à -dire dâavant la radicalisation de lâHégire. Or la doctrine coranique de lâabrogation affirme quâentre deux versets apparemment contradictoires, seul le plus récent, donc issu de la phase violente postérieure à lâHégire, doit sâimposer.
Le défi de la renaissance occidentale
Il existe donc des différences considérables dans la vision du monde quâentretiennent Occident et Orient. LâOccident, profondément influencé par un Christianisme fondé sur lâadhésion volontaire et la séparation des pouvoirs (« Rend à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ») rentre en contradiction totale avec un Orient musulman qui a toujours confondu les sphères religieuses et politiques. Lâhéritage indo-européen de la séparation des fonctions guerrières et sacrées redécouvertes par Dumézil sâoppose également à la concentration des pouvoirs spirituels, juridiques et exécutifs entre les mains du calife.
Ainsi la laïcité que les Occidentaux rêvent dâexporter sâavère contraire aux valeurs de lâislam authentique. Peut-être quâun jour un réformateur musulman réussira à imposer la relativisation du Coran dans son contexte historique et une prise de distance critique touchant les actes répréhensibles de Mahomet, mais cet effort de modernisation prendra des siècles dâefforts. Avant cette heureuse issue, le « choc des civilisations » aura entraîné le monde dans une confrontation généralisée entre Orient et Occident.
Pour sâen prémunir, il convient de sâinterroger sur la faiblesse occidentale et le manque dâattractivité de nos valeurs. Ces valeurs nâont-t-elles pas été perverties par un libertarisme outrancier qui choque les populations attachées aux structures traditionnelles de la famille ? Déconnectés de toute éthique transcendante, notre libéralisme agnostique ne crée-t-il pas un vide spirituel qui effraye les hommes et femmes en recherche dâun sens à leur existence ? Notre impuissance démographique et notre molle acceptation de lâimmigration ne traduisent-elles pas concrètement notre décadence ? Aussi la nécessaire réforme de lâislam passe par un regain de nos anciennes vertus, afin que notre modèle ne soit plus assimilé à un lâche délitement des valeurs. Lâavenir de lâislam passe paradoxalement par la renaissance des valeurs morales de lâOccident.
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