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Le mouvement dextrogyre

De nombreux politologues ont remarqué la migration des idées politiques nées à gauche et adoptées à droite de l’échiquier politique. Identifié la première fois par Albert Thibaudet, ce mouvement sinistrogyre constitue une invariante des sciences politiques depuis la Révolution, et renforce la thèse de Réné Rémond dans son fameux livre « Les trois droites en France Â». Cet historien explique l’amalgame de courants divers au sein de la droite par l’apport successif de valeurs nouvelles issues de la gauche et qui s’ajoutèrent au résidu légitimiste de la vieille droite catholique et monarchiste. Ainsi le libéralisme et le bonapartisme, qui sont effectivement filles de la Révolution, prospérèrent dans le camp progressiste au cours du 19ième siècle, puis furent expulsées sur leur gauche par l’émergence du socialisme et du communisme.

Progressivement les concepts républicains envahirent toute la droite, non par conversion enthousiaste mais par pragmatisme, comme l’illustre Adolphe Thiers qui adopta la République en 1871 suite à l’échec de la restauration monarchique. L’exhortation au ralliement à la République du pape Léon XIII et la condamnation de l’Action française achevèrent la soumission des catholiques, soit la majorité de l’électorat conservateur, à ce nouveau système de valeurs fondé sur la primauté de l’individu face aux conditions de naissance. Depuis le début du 20ième siècle, la disparition objective du légitimisme au sein de la droite gouvernementale confirme la transformation de la droite en un simple réceptacle d’une gauche qui donnerait les impulsions créatives dans le débat d’idées.
 
Le discrédit des élites, prélude à une inversion de mouvement

Aujourd’hui, ce phénomène de contagion des valeurs de gauche s’observe encore parmi les dirigeants des partis conservateurs, tels Juppé ou Junker qui promeuvent l’abolition des frontières économiques et culturelles. Toutefois, notre époque se caractérise par un discrédit des élites qui ne semblent plus comprendre les masses populaires confrontées une mondialisation agressive. L’idéal de liberté ne fait plus recette auprès de populations touchée par la désindustrialisation, la concurrence des travailleurs détachés, le communautarisme islamique, les bandes criminelles étrangères, la disparition d’une identité millénaire au profit du chaudron angoissant du multiculturalisme. La protection devient préférable à la liberté, ce qui renverse la thèse d’une gauche imposant ses valeurs au sein d’une société perméable à l’infini, ainsi que l’annonce le politologue Guillaume Bernard de l’Institut catholique.     

La protection devenue préférable à la liberté

Ce nouvel attachement à la protection procède plus généralement du déclin relatif de l’Occident face aux pays du sud. Impuissance démographique, grand remplacement de population, démembrement de la famille, vide abyssal du rayonnement spirituel, atonie économique, autant de déclinaisons objectives d’un affaiblissement dramatique de la civilisation occidentale qui donna au reste du monde les moyens de la surpasser. En effet, la victoire démographique et économique des pays du sud vient  précisément des techniques que l’Occident inventa, comme le progrès de la médecine ou les techniques issues de la Révolution industrielle, ce qui ne peut qu’accentuer la rancœur du prolétariat blanc que méprisent les élites converties au libéralisme.

Une destruction non créatrice

Certes, les progressistes objecteront que l’histoire du progrès est émaillée de destructions créatrices, et que l’extinction de l’ancien monde devrait déboucher sur un nouveau modèle compatible avec un niveau de vie élevé. Le problème, c’est que les révolutions attendues se font attendre : nous utilisons toujours les mêmes moteurs électriques et thermiques dont l’invention remonte à plus d’un siècle, et notre civilisation prétendument moderne repose sur des découvertes scientifiques réalisées au cours du XIXième siècle. Ni les biotechnologies, ni les nanotechnologies n’améliorent encore drastiquement notre quotidien, la croissance « verte Â» semble plutôt synonyme de décroissance et le génie génétique, pourtant porteur d’espoirs rabâchés par le service marketing du Téléthon, piétine encore à un stade expérimental.

Le libéralisme incapable de « big science Â»

Ce fossé entre les promesses technologies entretenues par les politiques mal renseignés et leur fastidieuse diffusion dans le quotidien contribue au discrédit des élites incapables d’inventer de nouvelles sources de croissance. Mais peut-être que cette stagnation du progrès procède non pas d’un effet de seuil mais de blocages irréductibles dus à un modèle libéral qui s’essouffle. Plus précisément, les nouvelles découvertes scientifiques et techniques exigent la mobilisation de capitaux financiers et humains qui dépassent les capacités limitées des entreprises, même multinationales. Nous ne sommes plus au siècle de Maxwell dont les équations furent validées au fond d’un laboratoire, ni aux temps d’Adler dont l’aéronef fut développé avec une poignée de collaborateurs. A l’heure de la « big science Â», les innovations technologiques requièrent de l’argent et surtout une patience incompatible avec l’exigence de rendements immédiats. Dans le meilleur des cas, un investisseur rationnel accepte un retour sur investissement n’excédant pas l’horizon de ses vieux jours, soit une vingtaine d’années pour un retraité, ce qui limite l’attractivité des projets à plus long terme. Le libéralisme économique, qui conserve toute sa pertinence pour des projets bénéficiant d’une bonne visibilité à moyen terme, s’avère tout à fait incapable de mobiliser les ressources nécessaires pour de lourds projets technologiques s’inscrivant dans la durée, ces derniers devant se multiplier à l’avenir.

La nation réhabilitée

Nous sommes donc bien dans une impasse technologique produite par la confiance excessive en la responsabilité des acteurs privés motivés par leur seul intérêt financier. Le modèle libéral fondé sur l’appât du gain doit donc être révisé, au profit d’une prise en charge accrue des investissements stratégiques par la nation. La nation éclairée au lieu de l’individu-roi, tel est le changement de paradigme d’une société techniquement avancée. 

L’approche progressiste fondée sur la sacralisation de l’individu réclamant de droits toujours plus nombreux est donc dépassée. Les « Droits de l’homme et du citoyen Â» ne permettant plus d’orienter efficacement le travail humain vers un progrès devenu exigeant en ressources, une nouvelle éthique du devoir s’impose pour entamer les efforts nécessaires à la construction d’une société avancée.   

Devoirs envers ses enfants dont il est nécessaire d’assurer une formation intellectuelle élevée pour préparer les métiers d’avenir, devoirs envers l’Etat qui devrait orienter l’impôt vers la recherche scientifique et l’innovation technologique, devoirs envers notre civilisation dont la promotion donne un sens à notre engagement publique.    

Les idées nouvelles naîtront à l’extrême-droite

En résumé, notre monde occidental en crise de progrès réclame d’une part une protection accrue contre une mondialisation agressive, d’autre part un changement de paradigme replaçant la nation et non la liberté au centre des préoccupations sociétales. De toute évidence, ces valeurs ne peuvent être produites qu’au sein de l’extrême droite. Bien sûr, l’extrême droite ne donnera les impulsions créatrices dans le débat d’idées qu’à la condition de son assainissement idéologique. Ses propositions doivent s’accorder avec le réel, et non plus ressasser un passé mythique qui n’a jamais existé. Par exemple elle doit professer l’amour de la nation sans exclure le principe de solidarité entre les peuples européens, revendiquer notre héritage chrétien sans verser dans l’intégrisme catholique, réaffirmer l’autorité de l’Etat sans verser dans l’autoritarisme. Ce travail est précisément entamé avec succès par Marine Le Pen qui modernise le Front national et reprend les oriflammes perdus de la nation, de la laïcité et du patriotisme économique.  

Quel avenir pour la droite ?

Désormais, il faudra compter avec un Front national qui donnera le tempo dans un débat public anesthésié par le politiquement correct et la bien-pensance. Tant que l’Occident piétinera dans l’inertie économique et l’affaiblissement démographique, les avertissements de l’extrême droite résonneront favorablement dans les oreilles du peuple. La droite « classique Â» aura le choix entre l’accaparement des idées du Front national, ce qui lui permettrait de maintenir une position dominante à droite, ou de s’en distinguer, ce qui aurait pour conséquence sa gauchisation. Dans le premier cas, le Front national serait entravé dans sa marche vers le pouvoir mais verrait une partie de ses analyses reprises par un parti de gouvernement. Dans le second cas, le Front national aurait devant lui un boulevard pour devenir le principal parti d’opposition, le Parti Socialiste étant définitivement marginalisé par la concurrence d’une droite « libérale-libertaire Â» qui aurait ainsi repris sa position originelle à gauche de l’échiquier politique.

Quoiqu’il en soit, l’histoire nous enseigne qu’il est vain de chercher à endiguer les mouvements idéologiques d’une société en mutation. Avec souvent une génération de retard, le temps que les habitudes mentales se renouvellent naturellement, les idées nouvelles se diffusent progressivement dans le corps social, avant de conquérir le pouvoir dans un second temps. Les valeurs de la nation et la défense de notre civilisation deviendront des motifs puissants de l’engagement politique. Les partis politiques traditionnels ne pourront ignorer ce mouvement dextrogyre qui signe la fin d’un monde et l’émergence d’un nouvel horizon décidé par les peuples.  

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