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Contre la Turquie dans l'Europe

L'Europe souffre d'une impuissance politique qui s'est clairement manifestée lors de la récente crise des dettes souveraines. Déjà soumise à de fortes poussées divergentes, et comme voulant fuir la question centrale de son unité organique, elle continue à nier l'évidence en attisant l'utopie dangereuse d'un élargissement illimité, victime d'un emballement technocratique qui risque de la dissoudre dans les steppes de l'Asie centrale. Comme une porte ouverte sur sa dilution fatale, l'intégration de la Turquie constitue le paroxysme de cette fuite des réalités physiques et anthropologiques qui auraient clairement rejeté la supposée dimension européenne de ce géant proche-oriental. Pourtant, une analyse objective de la géographie, de l'histoire et de la culture permet d'affirmer que la Turquie n'est nullement européenne.

Le poids de la géographie, de l'histoire et de la culture

La Turquie n'est pas européenne par sa géographie parce que sa capitale Ankara se situe en Asie et que 95% de sa population réside de l'autre côté du Bosphore. Depuis les temps homériques l'actuelle Turquie était appelée « Asie » de sorte que l'affirmation d'une Turquie non asiatique serait un contre-sens. Certes, la Turquie possède une enclave européenne centrée sur l'antique Byzance, pourtant cette singularité géographique ne préjuge pas de son appartenance au continent européen car sinon la France se trouverait en Amérique à cause de Guyane, la Grande-Bretagne en Chine à l'époque du Hong-Kong colonial, la Russie en Prusse à cause de Kaliningrad. Avec de tels raccourcis, la France baignerait l'Océan Pacifique à cause de Clipperton ou l'Océan Antarctique du fait des îles Kerguelen, ce qui est naturellement abusif.

Nous le constatons, la possession ne signifie pas l'inclusion, de sorte qu'il faille davantage s'interroger sur l'origine historique d'une Thrace occupée par la Turquie. Car ce sont bien des raisons guerrières et hégémoniques qui sont à l'origine de cette enclave européenne asservie depuis cinq siècles : venant des steppes d'Asie centrale et trouvant dans l'Islam une religion servant leur ambition conquérante, les Turcs anéantirent Constantinople en 1453, massacrant sa population et réduisant les survivants à l'esclavage. Ils incendièrent ensuite les Balkans, assujettirent la Grèce dont le génie ne se releva plus jamais, instaurèrent un régime de terreur qui menaça toute l'Europe comme lors du siège de Vienne de 1683. Depuis la bataille de Lépante de 1571 qui signifia la fin de l'hégémonie maritime turque, les peuples européens se dressèrent progressivement contre l'envahisseur, endurant des représailles sanglantes comme lors de la répression de la révolte crétoise de qui fit nombreuses victimes parmi les civils.

Les partisans de la Turquie européenne affirment que des relations d'entente diplomatique existaient avec des puissances européennes, citant volontiers l'alliance de François Ier avec Soliman le Magnifique. En réalité, vexé d'avoir échoué à l'élection impériale et peu enclin à respecter sa parole chevaleresque, le roi de France utilisa l'allié turc pour saper l'unité européenne naissante que désirait tant l'empereur Charles V. Paradoxalement, cette épisode d'entente relative correspond à la fin d'une universalité européenne qu'incarnait le Saint Empire et l'émergence des Etats-nations que rejettent tant les européanistes convaincus. Cette alliance turque était tellement contre-nature que François I ordonna l'évacuation de la ville de Toulon pour abriter l'armée turque, conscient que la population européenne servait habituellement de proie sans défense aux esclavagistes barbaresques.     

Pourtant, l'Asie mineur fut culturellement bien plus proche durant l'Antiquité. La culture grecque féconda cette région depuis Alexandre, avant d'être éjectée par une civilisation turque dont la langue d'origine mongole diffère radicalement des langues indo-européennes. Promoteur d'un christianisme tourné vers la conversion des païens, Saint Paul de Tarse développa des communautés rayonnantes sur les rives de l'Anatolie avant de mourir en martyr à Rome. Sa lettre aux Galates exprime la diversité ethnique des plateaux anatoliens où vinrent s'installer des tribus celtes refoulées du monde grec. Le concile de Nicée en 385 près d'Ephèse constitue un évènement capital du christianisme, avec l'affirmation de la Saint Trinité qui marqua profondément l'Occident.

Malheureusement, ce rayonnement intellectuel et spirituel s'éteint brutalement avec l'invasion turque. Autrefois florissantes, les communautés chrétiennes disparurent progressivement, avant de connaître le coup de grâce du génocide des Arméniens et de l'expulsion oubliée des chrétiens vers la Grèce en 1922. Alors que la Turquie exploite le passé pour démontrer une supposée proximité culturelle avec l'Occident, cette même Turquie moderne anéantit les vestiges d'une présence chrétienne qui demeure si minoritaire que ce pays figure maintenant parmi les derniers pays comportant le plus de chrétiens

Une entreprise de déconstruction

Certes la disparition des Chrétiens d'Orient ne suscite certes guère d'émotion chez les socialistes, tant l'antichristianisme constitue un ADN idéologique intraitable dans cette famille politique. Mais d'ailleurs, pourquoi nos élites politiques cherchent-elles absolument à faire entrer l'ancien oppresseur turc dans la maison européenne ? La raison réside principalement dans leur hantise d'une Europe fondée sur la culture et l'histoire qui contredirait leur internationalisme militant. Ces élites internationalistes redoutent la reconnaissance du plus petit dénominateur commun permettant de définir efficacement l'identité européenne, en premier lieu la religion chrétienne. Avec l'entrée de la Turquie en Europe, plus aucun risque d'inscrire un quelconque héritage chrétien dans la Constitution européenne. De même, l'héritage du droit romain qui hérisse tant les féministes ne pourrait figurer dans une Constitution bien incapable de dégager un socle culturel commun entre des nations si hétérogènes. Vidée de son identité et de son âme, l'Europe se réduirait à un vaste espace de libre échange, comme le souhaitait d'ailleurs les britanniques et américains qui ont toujours milité pour l'intégration de la Turquie en Europe. 

La Turquie, une puissance trop grosse ?

Refusant tout réductionnisme culturel, les élites internationalistes prétendent rechercher la croissance économique et la consolidation des libertés dégagées de toute contrainte anthropologique. Pourtant, une Turquie européenne ne signifie pas nécessairement davantage de croissance ni plus de libertés. En effet, l'exemple de l'Asie prouve que l'unité politique n'est pas une condition nécessaire pour développer les échanges commerciaux. Malgré la tension diplomatique extrême entre ces deux pays, le Japon représente un partenaire commercial primordial pour la Chine populaire. De notre côté, les actuels traités de commerce unissant l'Europe à la Turquie suffisent largement pour offrir des débouchés à nos exportations, pourvu qu'elles soient compétitives. L'intégration de la Turquie ne va pas convaincre davantage le consommateur turc de la qualité de nos automobiles, seuls nos ingénieurs et notre coût du travail pouvant influer sur sa décision. Plus généralement, la croissance trouve ses racines dans la dynamique interne des économies nationales, l'ouverture commerciale permettant juste d'accompagner ou d'étouffer la croissance industrielle selon notre degré de compétitivité. Encore une fois, nous esquivons les nécessaires réformes impopulaires en comptant sur l'étranger, ici Turc, là Allemand, pour soutenir un Etat providence devenu intenable. En attendant ces réformes, notre industrie quitte le territoire national pour s'implanter précisément en Turquie.

Neutre pour la croissance, la Turquie européenne contribuerait cependant à alourdir considérablement le budget européen. La PAC devrait verser des aides considérables aux pléthoriques paysans turcs. La PAC étant déjà une épée de Damoclès menaçant l'unité européenne, le détournement de la PAC au profit de la Turquie enragerait les Britanniques qui trouveraient une bonne raison de quitter l'Europe. L'exaspération des paysans européens privés même partiellement de leurs subventions contribuerait à davantage de défiance des populations rurales contre les élites aveuglées par la doxa libérale.    

La Turquie européenne ne favoriserait même pas cet espace de libertés que chérissent tant les socialistes. Les récentes évolutions du droit des femmes en Turquie ne plaident pas pour un enthousiasme aveuglant des turcs pour nos valeurs. Aux yeux des conservateurs turcs, la chute économique et démographique de l'Occident constitue un argument solide contre la pénétration des idées libertaires qui engendrent un hédonisme stérile et décadent. Une fois rentrés en Europe, les législateurs turcs pourront rétablir le délit d'adultère, sans craindre la suspension des négociations d'adhésion. De moins en moins laïque, la société turque connaît une islamisation rampante que n'arrêtera pas l'orgueil d'une puissance retrouvée.

Plus grave, le poids démographique turc étouffera les instances européennes. Comme la population turque connaît une ascension vertigineuse qui dépassera les populations françaises et allemandes réunies, les députés turcs domineront le parlement européen et écraseront les petits pays ou les courants minoritaires. Des majorités pourront s'articuler autour des députés turcs et remettre en cause des principes supposés immuables, ainsi la laïcité. 

Une porte ouverte sur un monde dangereux

Nos élites vendent la Turquie européenne pour de supposées raisons stratégiques : la Turquie serait la clé de l'Orient compliqué, son insertion favoriserait le dialogue entre les civilisations. Cette vision s'avère naïve et déconnectée des réalités. En effet, l'Europe est déjà incapable d'arrêter une diplomatie commune, de sorte que la Turquie ne contribuera pas à davantage de cohésion des politiques étrangères européennes. Comme tous les pays, la Turquie veille à ses propres intérêts et à l'affermissement de sa puissance, elle n'a aucune raison de relayer les rêves orientaux des européens pêchant par leur manque de décision.  

Son influence sur les nations arabes grandit à mesure que croît son hostilité à Israël, ce qui n'est peut-être pas le but recherché pour un prétendu avocat de l'Occident. L'attitude désormais agressive de la Turquie contre l'Etat hébreu illustre la fragilité des alliances stratégiques héritées de la Guerre froide, à l'inverse des fondamentaux anthropologiques qui resurgissent naturellement quand un pays atteint un niveau de puissance lui permettant de s'affranchir de son lien de vassalité avec son ancien protecteur, ici les Etats-Unis.

Si la politique étrangère turque ne risque pas de s'aligner sur les pays européens, l'intégration de la Turquie mettrait les frontières de l'Europe en contact direct avec des pays en conflit ou sous tension, comme la Syrie, l'Irak et l'Iran. Une déstabilisation régionale impliquerait fortement l'Europe qui ne pourrait se retrancher derrière sa neutralité préférentielle et se verrait emportée par un tourbillon de conflits. Au lieu d'assurer la paix du monde, l'intégration de la Turquie exposerait l'Europe à de nouveaux dangers, sans même arrimer la politique turque aux intérêts européens.     

Conclusion

Loin de représenter un pont entre l'Orient et l'Occident, la Sublime Porte constitue plutôt un cas d'expulsion réussie d'une ancienne civilisation hellénistique et chrétienne par un intrus d'ascendance mongole et musulmane. Toujours en guerre avec l'Occident, cette puissance impérialiste s'est assagie avec l'effritement de son ancien califat, mais reprend désormais une vigueur nouvelle depuis sa montée en puissance démographique et économique. Cette ascension fascine certains occidentaux qui aimeraient convaincre la Turquie de pallier les insuffisances du modèle européen, comme fuyant leurs propres responsabilités en confiant les clés notre avenir aux mains d'autrui. Pourtant, le poids considérable de la Turquie associé à ses importantes différences culturelles et religieuses donne nécessairement envie aux Turcs de choisir leur propre modèle de développement, loin des supposées valeurs communes du reste du continent. La solidarité européenne, déjà chancelante, s'écroulerait et l'unité politique de l'Europe se morcellerait en plusieurs sous-ensembles. Cela signifierait la chute mortelle d'une Europe ayant succombé au charme dans un océan de périls, lâchement abandonnée par les b?ufs bruxellois?   

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