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Crise financière : un moment historique pour l'Europe ?

Fuyant leurs propres responsabilités dans la dérive des finances publiques, la plupart des hommes politiques de gauche expliquent les récentes attaques spéculatives contre l'euro par le cynisme et la cupidité des marchés financiers. Pointés du doigt par la démagogie ambiante, les spéculateurs sont accusés de s'enrichir sur le dos des contribuables, exigeant des taux d'intérêts exorbitants auprès des états grecs et portugais, ruinant l'équilibre social de ces pays qui souffriraient d'une crise essentiellement importée des Etats-Unis.

En réalité, l'inflation des taux d'intérêts de la dette grecque s'explique par la crainte d'un défaut de paiement de la part d'un Etat qui a trafiqué ses comptes, s'avère gangréné par la corruption, ne connaît même pas le nombre exact de ses fonctionnaires (environ 16% de la population active), peine à récolter efficacement l'impôt. Les grecs sont eux-mêmes responsables de la persistance d'une économie parallèle qui grève mécaniquement les recettes de l'état, vivant au-dessus de leurs moyens grâce à l'euro. Alors que la dette publique grecque s'élève à 125% du PIB en 2009, le salaire annuel brut moyen atteint 1300 euros par mois pour un fonctionnaire ayant une qualification minimale, et l'âge de départ à la retraite est fixée à 60 ans pour les femmes fonctionnaires.

Une crise générale de l'endettement


Malheureusement, la Grèce n'est nullement un cas isolé en Europe, mais bien plutôt un concentré des dérives des finances publiques, surtout parmi les pays de l'Europe du sud. Depuis trop longtemps les budgets publics sont déficitaires dans les pays latins, en particulier en France où aucun gouvernement n'a réussi à renouer avec l'équilibre des comptes depuis 1974.

S'il est normal que les budgets soient déficitaires en période de crise, l'état jouant son rôle d'amortisseur en relançant l'activité économique quand le secteur privé s'essouffle, il reste tout à fait anormal que les budgets soient déficitaires en période de forte croissance, alors que l'entrée des recettes additionnelles devrait justement permettre de rembourser la dette et de se constituer un matelas financier quand la crise reviendra.    

A ce titre, la période des années 1996 et 2000 s'avère désastreuse : alors que la croissance internationale aurait dû permettre de dégager des excédents, le gouvernement socialiste de l'époque a cru bon de "partager les fruits de la croissance" en ne résorbant pas le déficit au-deça de 1,5% du PIB. La limitation du temps de travail à 35 heures, incongrue en une période de croissance où la demande de travail s'avère forte, a achevé de laminer la compétitivité de la France dont les secteurs d'excellence deviennent rares.

Plus généralement, les occidentaux vivent actuellement une crise de l'endettement : privé aux Etats-Unis avec l'affaire des subprimes, public dans un pays comme la France où tout est socialisé.  Malgré ce défaut commun de vivre au-dessus de nos moyens, la situation française s'avère plus inquiétante, car nos compatriotes ne semblent plus croire en la valeur travail qui constitue la qualité essentielle des américains.

La crise de la valeur travail

Concrètement, le nombre moyen d'heures travaillées par salarié s'éleve à 1500 heures par an en France, contre 1 900 aux Etats-Unis et 2 300 à Singapour. Les chinois ne sont pas seulement plus nombreux, ils travaillent indiscutablement plus : la proportion des chinois de plus de 15 ans qui travaillent s'élève à 75%, contre 54% pour les français.

Les pays de l'Europe du sud se distinguent par l'âge précoce de départ à la retraite, alors que leur vieillissement réduit le nombre d'actifs. Véritables cigales sur cette planète, comme ignorant l'émergence de millions de travailleurs indiens et chinois qui souhaitent ardemment travailler, nous dilapidons l'héritage que nous ont légués nos aïeux, sans nous apercevoir que le pouvoir économique de ce monde est en train de quitter la sphère occidentale.   

La question européenne

La crise actuelle manifeste l'incapacité de l'Europe à relever le défi de la mondialisation. Si l'Europe s'est dotée d'une monnaie unique, elle manque encore d'une véritable politique économique commune, fonctionnant comme un oiseau sans tête. Au lieu d'investir massivement dans les secteurs de la recherche et des technologies d'avenir, le budget de l'Europe se consacre encore majoritairement à la politique agricole commune, soit 40% du budget. La faiblesse du pôle militaro-industriel européen ne permet pas de drainer l'investissement public vers des technologies innovantes, ni d'asseoir l'influence de l'Europe sur la scène du monde. 

Cette absence de stratégie de politique économique européenne est manifestement due à la réticence des peuples européens qui acceptent l'Europe tant que cette dernière est perçue comme une vache à lait financée par les allemands, mais accusent l'Europe de la vie chère, de l'orthodoxie budgétaire, des réglementations étouffantes.

Cette réticence procède fondamentalement d'un manque de conscience européenne, lui-même produit par l'absence de débat sur l'identité de l'Europe. Comment demander aux européens d'être solidaires, si l'idée européenne est réduite à sa seule dimension économique, au mépris de vingt siècles d'Histoire commune ? Outre un élargissement trop rapide des frontières de l'Europe, la disparition de la référence à l'héritage chrétien dans le défunt projet de Constitution européenne a certainement aggravé la crise identitaire d'une Europe qui ne sait plus qui elle est, et dont les valeurs fondamentales ont été diluées dans un espace vide de sens.    

La communauté des valeurs, loin d'être une affaire abstraite d'intellectuels, constitue pourtant bien une condition essentielle pour exhorter chacun à fuir son égoïsme et à entreprendre les efforts nécessaires à la restauration des budgets publics.  

La réduction des dépenses

Comment réduire la dette de l'Etat ? Nous n'échapperons probablement pas à l'augmentation des prélèvements obligatoires, la gravité de la crise exigeant le concours des contribuables. Remise en cause des niches fiscales qui créent des situations d'aubaine, révision des subventions à la formation professionnelle qui s'avèrent couteuses et inefficaces, autant de pistes permettant d'éviter une augmentation brutale de l'impôt sur le revenu susceptible de casser la consommation et la croissance.

Cependant, le bouclier fiscal qui épargne les très hauts revenus s'avère injuste en un période où tout le monde, de l'enseignant au chef d'entreprise, doit faire des efforts. Il aurait mieux valu supprimer l'ISF dont on connaît l'inefficacité et les effets pervers, et créer une tranche supplémentaire d'impôt sur les revenus pour les très hauts revenus.

Quoiqu'il en soit, ce sont bien les dépenses publiques, et non le niveau déjà élevé des prélèvements, qui causent problème. Plusieurs réformes s'avèrent nécessaires, comme l'augmentation du nombre d'années de cotisation pour la retraite, une élévation de l'âge de départ à la retraite, une augmentation de la part forfaitaire dans les remboursements de la sécurité sociale. Ces réformes classiques mériteraient d'être complétées par une remise en cause de notre modèle, en particulier concernant l'Education nationale dont la rigidité ne permet pas d'assurer l'adaptation des jeunes aux besoins réels de l'économie.

Conclusion

Nous vivons actuellement un moment décisif, conformément à l'étymologie du mot crise, "krisos" signifiant "décider" en grec. Cette crise peut être un déclencheur pour que les européens se réveillent enfin de leur léthargie produite par 60 années de paix et de liberté. Bien que les allemands souffrent d'une démographie désastreuse, ils nous montrent la voie en acceptant de limiter leurs salaires, en allongeant l'âge de départ des retraites et en maintenant la compétitivité des entreprises. 

Réduire les dépenses publiques, responsabiliser les citoyens, renouer avec la valeur travail, développer les secteurs de pointes, reconstituer une Europe fondée sur une identité forte, autant de défis possibles que les européens ont le devoir historique de relever.


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