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Démission de Philippot : une saine clarification au sein de la droite nationale

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La démission fracassante de Florian Philippot contribue à la clarification de l'offre politique au sein de la droite nationale. Forcément mis en cause après la contre-performance du parti de Marine Le Pen aux dernières élections présidentielles et législatives, l'ancien stratège du FN paye un échec électoral que lui attribuent les militants ainsi qu'une partie de l'appareil désireux d'un retour aux sources identitaires.

Un souverainisme social depuis longtemps mis en accusation

Car plus que l'échec très relatif d'un parti qui a tout de même dépassé les 11 millions de suffrages, le positionnement idéologique atypique de l'ancien chevènementiste a toujours déplu la base militante attachée aux valeurs conservatrices et nationales.

Tant que le FN multipliait les succès électoraux, la base militante rongeait son frein en espérant que la multiplication des mandats leur donnât accès à l'exercice du pouvoir. Mais l'échec des départementales et des régionales, qui ne virent aucune conquête malgré des pronostics favorables, sonna le glas de la déception auprès des militants frontistes.

A quoi sert-il donc de séduire les médias et de lancer des clins d'oeil complices à des électorats naturellement réfractaires si c'est pour toujours buter sur un plafond de verre ? A une époque où l'opportunisme politique et la superficialité médiatique sont justement décriés par les Français, l'authenticité des convictions et la force des valeurs demeurent payantes sur le long-terme. Or Florian Philippot agissait trop dans un sens contraire aux valeurs historiques de la droite nationale, souvent en s'arrogeant le monopôle des idées contre les sensibilités anciennes du parti.    

Un progressisme à contre-courant

Ses prises de position progressistes en faveur du mariage homosexuel ou de l'IVG interloquèrent les militants catholiques certes minoritaires mais très actifs. Plus généralement, ses propositions économiques comme la retraite à 60 ans ou la revalorisation drastique du SMIC créèrent de l'incompréhension et de la réticence chez les sympathisants composés d'artisans et de petits commerçants.

Son intransigeance sur la sortie de l'euro acheva de refroidir une frange conservatrice qui prit peur en raison des impacts prévisibles d'une brutale dévaluation sur leurs économies. Cette révolution monétaire non chiffrée constitua le principal obstacle à la progression du FN parmi les classes supérieures et les retraités. Elle entrava le report des voix de François Fillon vers la candidature de Marine Le Pen au deuxième tour de la présidentielle. Le débat catastrophique de l'entre-deux-tours aurait été moins laborieux si Marine Le Pen n'avait pas été handicapée par une mesure dont elle ne maîtrisait ni la logique, ni les implications pratiques.

L'union des droites, seul moyen de conquête du pouvoir

Avec un programme économique crédible, donc de droite, le socle électoral de la candidate frontiste se serait maintenu au-delà de 42%, au lieu de s'effondrer à 34%. A une époque où une majorité silencieuse de Français se considèrent de droite (55% contre 45% de gauche), il serait contreproductif de tourner le dos à une droite majoritaire qui constitue réservoir naturel du FN, ainsi que l'explique justement Robert Ménard.

Bien sûr, la question demeure de savoir de quelle droite parlons-nous. Tant que la peur du marxisme soudait les droites décrites par Réné Rémond dans les « Trois droites en France », une alliance contre-nature associait les libéraux et les conservateurs au détriment de ces derniers. Le libéralisme sociétal issu de mai 68 inspirait des réformes entreprises par une droite qui a libéralisé l'IVG, voté le regroupement familial, facilité l'immigration de peuplement, démembré notre souveraineté au profit de l'Europe. Tant que l'individualisme libéral primait sur les racines intangibles de la nation, en particulier la famille et la patrie, la droite conservatrice était sommée de se rallier à la pensée dominante, au risque d'être amalgamée à Vichy.

La réplique Macron redistribue les plaques idéologiques

Mais la percée d'Emmanuel Macron, qui confirme en réalité la disparition progressive de la social-démocratie, redistribue les cartes du paysage idéologique. Assez logiquement, la droite libérale s'est laissée entraînée par la lumière hypnotisante du banquier d'affaires, libérant la droite conservatrice de son carcan stérilisateur. Avec le départ des « constructifs » libéraux, les Républicains réduits à leur moitié conservatrice perdent certes des notables mais peuvent plus librement diffuser leurs valeurs dans l'ensemble du corps électoral : ordre, autorité, respect des institutions.

Ces valeurs éminemment populaires sont évidemment partagées par le Front National. N'en déplaise au discours un peu irréel de Laurent Wauquiez, il faudra bien savoir s'entendre et arrêter de s'entredéchirer puisqu'il n'est pas possible d'occuper à deux le même espace politique.

Laurent Wauquiez croit encore possible de renouveler l'exploit de Sarkozy en 2007 en siphonnant le FN sur une ligne « buissonnière », mais le maire du Puy oublie que le FN a renforcé sa puissance depuis une décennie et que ses électeurs ne se feront pas cocufiés deux fois. La mort du FN est régulièrement fantasmée par les médias de gauche et les politiques de droite, mais en réalité le parti patriote rebondit régulièrement après des périodes de turbulence internes, et son existence perdura autant que les causes à l'origine de son implantation.

Dans ces conditions, la droite qui assume son identité conservatrice doit développer une autre approche, celle de la conciliation avec l'autre bord qui désire sincèrement le rapprochement des droites.

Le débat d'idées au sein du FN

Ce désir d'union existe au sein du Front National, comme l'exprimait Marion Maréchal Le Pen avant son retrait. Mais au-delà des raisons personnelles, la jeune député quitta le paquebot parce qu'elle estimait qu'il était difficile d'exprimer une idée différente de la direction sans être mise à l'index. Bien sûr, des valeurs non négociables définissent les limites de la liberté d'expression dans un parti, et ces valeurs résident au Front dans la fin de l'immigration et l'extinction du communautarisme. Mais en dehors de ces thèmes historiques liés à notre identité, les choix économiques peuvent refléter des nuances que le parti doit apprendre à respecter, suscitant au contraire le débat d'idées pour promouvoir des idées originales susceptibles de convaincre les électeurs de droite.

Le tort de Florian Philippot ne résidait pas tant dans ses positions hostiles à l'euro, mais dans le fait qu'il les a imposées comme parole d'Evangile à l'ensemble du parti. Si la Front National avait suscité le débat d'idées en interne, il serait rapidement rendu compte que le disciple de Jacques Sapir était en position minoritaire parmi les militants et sympathisants, et qu'il fallait recentrer le discours économique autour de la libéralisation du travail.

Plus généralement, la fuite des intellectuels de valeur comme Paul-Marie Couteaux ou Aymeric Chauprade illustre l'incapacité dramatique du Front National à susciter et retenir des cadres qui ont naturellement besoin d'un peu de liberté pour développer leurs idées. Ce défaut qui ne date pas d'hier entrave le développement du Front National et pénalise la diffusion de ses valeurs au sein du peuple de droite.

Pour son prochain congrès de 2018, le Front National doit donc autant réfléchir à un changement de cap idéologique, qu'à une façon plus vivante de faire de la politique, plus réactive et plus respectueuse des sensibilités. Pourvu qu'elles tiennent à l'essentiel, ces idées issues des militants et de la société  civile enrichissent le Front National et contribuent à sa crédibilité pour relever les défis de gouvernement. Authenticité et liberté, deux instruments que le Front doit apprendre à conjuguer pour retrouver et amplifier les succès des dernières années, avant la conquête réelle du pouvoir.   

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